Grands serpents dans un paysage de
mosaïques rurales: écologie des pythons tapis Morelia
Spilota (Serpentes:Pythonidae) sur la côte Est de l'Australie
Auteurs : R.Shine et M.Fitzgerald
School of Biological Science A08 and
Institute for wildlife research, Sydney, Australia
Reçu le 8 mai 1995, accepté le 19
Juillet 1995 par la revue « Biological Conservation »
dans le numéro 76, en 1996
Résumé
Comment de grands pythons peuvent
cohabiter avec des êtres humains dans des habitats fortement
modifiés, sur la côte Est de l'Autralie, alors que la même espèce
connait un rapide déclin dans d'autres régions d'Australie ?
Pour répondre à cette question, nous avons implanté chirurgicalement des radiotransmetteurs miniatures relevant les températures sur 19 pythons tapis adultes Morelia Spilota (mesurant de 1,3 m à 2,8 m et pesant de 1,4 à 7,0 kg) sur deux sites d'études près de Bangalow et Mullumbimby, NSW
(ndt : l'auteur précise plus loin qu'il s'agit de Morelia Spilota Variegata).
Nous avons localisé les serpents plusieurs fois par semaine pendant 308 jours en moyenne (de 32 à 567 jours selon les individus) et relevé des données concernant leurs déplacements, les habitats utilisés, les postures adoptées, leurs températures biologiques, et leurs habitudes alimentaires.
Les serpents suivis étaient principalement arboricoles (pour 45 % d'entre eux) et généralement sélectionnaient des arbres avec de nombreuses vignes. L'arboricolité était plus fréquente chez les mâles que chez les femelles, et plus fréquente en hiver. Les serpents évitaient généralement les terrains découverts mais utilisaient fréquemment des abris artificiels (espaces sous les toits des maisons, ou fourrés de plantes non-natives).
Les déplacements étaient faibles (en moyenne moins de 15 mètres, ce qui représente un territoire de 22,5 hectares), plus importants chez les mâles que chez les femelles. La densité de population était élevée, surtout dans les petits vergers (plus de 6 serpents par hectare, soit plus de 20 kg par hectare).
Le succès des pythons tapis dans ces zones reflète leur capacité à se camoufler (par leur sélection de végétation arboricole dense, leur nature sédentaire et leur coloration), leur capacité à utiliser des habitats artificiels (comme les espaces sous les toits) et la prédation de proies non-natives (principalement de petits mamifères). Leur immobilité prolongée est possible car les serpents dépendent de leurs capacités à chasser à l'affût, et leurs corps volumineux facilitent leur thermorégulation sans qu'ils aient à se déplacer ouvertement.
Les pythons sont vulnérables face aux prédateurs (principalement des canidés) quand ils se déplacent à découvert, mais ils évitent généralement ce type de terrain. Les Morelia Spilota ont décliné dans les régions d'Australie où les techniques d'agriculture ne laissent plus de place à une végétation de type fourrés denses. La présence de petites parcelles de ce type(même petite ou composée de plantes non-natives) semble indispensable à la survie de cette espèce dans un paysage agricole.
Pour répondre à cette question, nous avons implanté chirurgicalement des radiotransmetteurs miniatures relevant les températures sur 19 pythons tapis adultes Morelia Spilota (mesurant de 1,3 m à 2,8 m et pesant de 1,4 à 7,0 kg) sur deux sites d'études près de Bangalow et Mullumbimby, NSW
(ndt : l'auteur précise plus loin qu'il s'agit de Morelia Spilota Variegata).
Nous avons localisé les serpents plusieurs fois par semaine pendant 308 jours en moyenne (de 32 à 567 jours selon les individus) et relevé des données concernant leurs déplacements, les habitats utilisés, les postures adoptées, leurs températures biologiques, et leurs habitudes alimentaires.
Les serpents suivis étaient principalement arboricoles (pour 45 % d'entre eux) et généralement sélectionnaient des arbres avec de nombreuses vignes. L'arboricolité était plus fréquente chez les mâles que chez les femelles, et plus fréquente en hiver. Les serpents évitaient généralement les terrains découverts mais utilisaient fréquemment des abris artificiels (espaces sous les toits des maisons, ou fourrés de plantes non-natives).
Les déplacements étaient faibles (en moyenne moins de 15 mètres, ce qui représente un territoire de 22,5 hectares), plus importants chez les mâles que chez les femelles. La densité de population était élevée, surtout dans les petits vergers (plus de 6 serpents par hectare, soit plus de 20 kg par hectare).
Le succès des pythons tapis dans ces zones reflète leur capacité à se camoufler (par leur sélection de végétation arboricole dense, leur nature sédentaire et leur coloration), leur capacité à utiliser des habitats artificiels (comme les espaces sous les toits) et la prédation de proies non-natives (principalement de petits mamifères). Leur immobilité prolongée est possible car les serpents dépendent de leurs capacités à chasser à l'affût, et leurs corps volumineux facilitent leur thermorégulation sans qu'ils aient à se déplacer ouvertement.
Les pythons sont vulnérables face aux prédateurs (principalement des canidés) quand ils se déplacent à découvert, mais ils évitent généralement ce type de terrain. Les Morelia Spilota ont décliné dans les régions d'Australie où les techniques d'agriculture ne laissent plus de place à une végétation de type fourrés denses. La présence de petites parcelles de ce type(même petite ou composée de plantes non-natives) semble indispensable à la survie de cette espèce dans un paysage agricole.
Résultats (ndt :
extraits du document original – la traduction , la
mise en forme et la publication de cet article m'a pris plus
de 6h en tout – je me suis donc limité à traduire
les passages me semblant les plus intéressants) :
Liste des serpents étudiés.
Ndt : ces données permettent
de se faire une idée de la taille et du poids des Morelia Spilota
Variegata dans la nature.
En moyenne, les mâles participant à
l'étude font 2m30 pour un poids de 3,7 Kg. Les femelles sont plus
petites : 2m10 pour un poids de 2,7 Kg
Taille (mètres)
|
Poids (Kg)
|
Sexe
|
Durée d'étude (jours)
|
2,05
|
2,98
|
F
|
193
|
1,97
|
1,82
|
F
|
172
|
2,42
|
5,00
|
M
|
523
|
2,25
|
4,10
|
F
|
544
|
1,86
|
1,90
|
F
|
296
|
2,34
|
4,04
|
M
|
106
|
2,41
|
3,90
|
M
|
567
|
2,03
|
4,35
|
M
|
483
|
2,63
|
4,00
|
M
|
314
|
2,23
|
2,88
|
F
|
54
|
2,13
|
3,10
|
M
|
32
|
2,12
|
1,80
|
M
|
416
|
3,23
|
7,00
|
M
|
556
|
1,95
|
1,63
|
F
|
127
|
1,65
|
2,13
|
M
|
531
|
2,03
|
1,83
|
F
|
253
|
1,92
|
1,40
|
M
|
107
|
1,95
|
2,80
|
F
|
453
|
2,63
|
4,15
|
F
|
130
|
Schémas généraux concernant
l'habitat :
La plupart des serpents suivis par
télémétrie sont localisés perchés dans des arbres (en moyenne
45 % des relevés) et sont rarement visibles depuis le sol, car
ils sélectionnaient systématiquement des arbres fortement couverts
de vignes ou d'autres plantes grimpantes. Il était alors impossible
pour l'observateur de voir le serpent même si le radiotélémètre
pointait clairement une direction. De la même manière, les serpents
situés au sol étaint impossibles à repérer car cachés
profondément dans des fourrés ou sous une couverture de végétation.
Les serpents sont rarement observés dans les espaces ouverts, même
si ceux-ci constituent une forte proportion de l'habitat disponible
sur les sites d'étude.
…
Sur le site de Mullumby, plusieurs
serpents passaient la plupart de leur temps dans des espaces sous les
toits (dans des habitations) et y demeuraient pour de longues
périodes. Par exemple, une femelle python est restée sous un toit
pendant 92 jours.
...
Changements d'habitat en fonction
des saisons :
…
Les changements d'habitat (à la fois
micro et macro) ont montré un nombre plus important de serpents
perchés dans les arbres en hiver (58 % par rapport à 20 %
en été) ainsi que des différences dans les postures, montrant une
plus grande activité (serpents étirés) en été (16%) et au
printemps (19%), et à comparer aux 2 % relevés en hiver et
aux 8 % en automne. Les serpents suivis pendant l'hiver sont
généralement plus souvent observés enroulés (63 % contre
41 % en été).
La corrélation entre les serpents et
les arbres en hiver se retrouvent également dans la mesure des
distances entre les serpents au sol et l'arbre le plus proche qui
varie selon les saisons (6m91 en été par rapport à 4m52 en hiver).
A noter que la hauteur dans les arbres ne semble pas varier en
fonction des saisons, la moyenne variant entre 8 et 11m selon les
individus.
Reproduction et habitat :
La reproduction semble ne pas être
liée à l'habitat. Des activités de reproduction ont été observés
au sol et dans les arbres (Shine & Fitzgerald 1995). Une femelle
radio-télémètrée a déposé ses œufs dans un trou peu profond
sous un gros tas d'herbe à flanc de côteaux, à 80m dela source
d'eau la plus proche (un ruisseau). Une autre femelle
radio-télémètrée a été observée en oviposition sous une
épaisse touffe d'herbes sèches à 2 mètres d'un ruisseau. Une
autre femelle (non télémètrée) a été observée couvant 16 œufs
dans l'arrière jardin d'une banlieue à côté d'un tas de tiges et
de feuilles de bananier. Le tas s'était réduit pendant l'été,
dévoilant progressivement la femelle et ses œufs. Elle réussit
cependant à mener à terme sa couvée. Des coquilles vides ont aussi
été retrouvées sous un tas de graines d'une hauteur d'1m50 situé
à flanc de pente. Deux autres femelles gravides (à moins de 10
jours de l'oviposition) ont été retrouvées sous des tas d'herbes
coupées à flanc de coteaux.
Températures corporelles :
Les serpents
suivis ont rarement été observés en train de se réchauffer au
soleil et étaient capables de maintenir une température élevée et
relativement stable par de subtiles mouvements dans des mosaïques
d'ombre et de soleil. Dans les quelques cas où nous avons pu
observer les pythons en haut des arbres (depuis un autre arbre
adjacent plus haut), nous avons observé des pythons se chauffant
directement au soleil perchés sur des branches ou sur des
plateformes de dense végétation ou (le plus souvent) sous une dense
végétation permettant au serpent de n'exposer au soleil qu'une
partie de son corps. L'exposition directe au soleil n'a été que
rarement observée et il s'agissait dans la plupart des cas de
femelle en gestation. La température moyenne des serpents
radio-télémètrés variait peut selon les saisons (moins d'1 °C
d'écart – température moyenne entre 27,5°C et 28,1°C).
Nous avons alors
combiné les données relevées tout au long de l'année pour étudier
les variations journalières et les l'impact de la gestation.
Ndt :
l'étude inclut un graphique montrant que les températures
corporelles évoluent entre 20 et 32°C environ selon le moment de la
journée. Elles sont au plus bas le matin et connaissent leur maximum
vers 14h (32°C) pour ensuite décroître jusqu'à 25°C à 20h.
Les femelles
gestantes maintiennent une température plus stable au cours de la
journée légèrement plus élevée (29,3°C en moyenne pour une
femelle gestante contre 27,2°C pour une femelle non gestante- les
mâles ont montré une température moyenne de 26,8°C)
Distances parcourues :
La plupart des déplacement observés
parmi les serpents radio-télémètrés interviennent en fin
d'après-midi, le soir ou la nuit (c'est à dire que les serpents
sont localisés au même endroit pendant la journée et que l'on
observe une nouvelle position qu'en fin de journée). La proportion
de serpents en mouvement lors de la localisation était plus élevée
la matin (>10% de 7 à 10h) que pendant la journée (<6 %
de 11 à 18h) puis augmente le soir (>10 % de 18 à 19h). Les
mâles sont plus souvent localisés en mouvement ou lovés en boule,
alors que les femelles sont plus souvent dans une position enroulée
moins serrée.
Les déplacements moyens varient en
fonction des saisons :
- 12,3 m au printemps,
- 11,4 m en été,
- 6,3 m en automne
- 1,4 m en hiver.
Les mâles (11,4 m en moyenne) se
déplacent plus que les femelles (6,7 m en moyenne)
Mortalité :
Les pythons sont occasionnellement tués
par des véhicules à moteur, en particulier sur les routes
fréquentées. Il est rare que les résidents locaux roulent
délibérement sur un Morelia et le trafic routier est moins
important la nuit. Cependant, les pratiques agricoles peuvent tuer
dreuxe nomb pythons. Nous avons retrouvé à trois occasions des
pythons tués après le passage d'un tracteur - tondeuse à gazon et
nous avons trouvé deux femelles gestantes enroulées sous un tas
d'herbe coupées sur un site où l'herbe était régulièrment
tondue.
La hauteur de tonte dans les vergers
est réglée trop basse pour épargner les pythons lors des tontes
d'hebe, mais les touffes d'herbes hautes (1 à 2m de hauteur) dans
ces zones sont seulement coupées quelques fois par an et sont des
habitats du python tapis. Le seul python juvénile observé au cours
de cette étude a été trouvé sur un buisson de tabac sauvage à
une hauteur d'1m50, sévèrement blessé non intentionnellement par
un travailleur agricole qui débroussaillait manuellement un verger.
Un python adulte a également été tué lors d'un débroussaillage
durant notre étude. Le débroussaillage par des tracteurs et des
exacavateurs utilisés pour débroussailler des buissons épais
aurait pu tuer tout python présent dans cette zone. La construction
d'un barrage a également inondé un enclos herbeux et aurait obligé
toute femelle en train de couver à abandonner ses œufs.
Les parasites peuvent être aussi une cause importante de mortalité. Les pythons adultes ont souvent des masses fibreuses de la taille d'une balle de golf au niveau de l'estomac et les quelques individus rencontrés avec ces symptômes sont émaciés. Ces masses fibreuses sont le résultat d'infestation par des vers nématodes et finissent par bloquer le passage des proies dans l'estomac ainsi que son elasticité. Les ectoparasites peuvent aussi avoir un impact significatif. Par exemple, un python adulte capturé en mars 1994 avait plus de 300 tiques sur sa tête. Sa vision était complètement obstruée par le corps des tiques, ainsi que ses cavités nasales et de thermo-détection. Sans notre intervention, le python serait probablement mort.
La mort de 10 serpents radio-télémètrés
pendant la durée de l'étude montre un fort taux de mortalité.
Pour deux serpents la cause de la mort était indéterminée. Pour
les autres cas, des marques de morsures ont été retrouvées sur les
radio-télémètres : 7 sont dues à des canidés et 1 à un
varan. Dans les 7 cas de canidés, il est clair que deux d'entre eux
ont été tués par des renards quand ils ont quitté leurs abris
dans les bois pour rejoindre un verger. C'est probablement le cas
pour les 5 autres. Pendant notre étude, une femelle couvant ses œufs
a été attaqué par un grand varan qui a mangé 12 œufs sur 18. La
femelle a abandonné sa portée le jour même.
Habitudes alimentaires :
Des observations directes permettent
d'affirmer que les pythons sont des prédateurs chassant à l'affût.
Par exemple, un observateur a vu un python embusqué et immobile se
saisir d'un lézard et faire une constriction. Le lézard avait fuit
l'approche de l'observateur. D'autres situations où nous avons
observé des pythons faisant des constrictions suggèrent que ces
serpents restent immobiles jusqu'au passage d'une proie. Cependant,
les traces de proies stationnaires dans les excréments (c'est à
dire d'oeufs ou de jeunes oisillons encore au nid) indiquent que ces
serpents chassent également de façon plus active. Les 84 proies
relevées sur le site de Mullumby indiquent que ces serpents se
nourrissent principalement de rongeurs mais peuvent aussi consommer
des mammifères plus gros comme des paramèles (ndt :
bandicoot - animal de la taille d'un lapin), des petits chiens
(beagle), des reptiles et des oiseaux. (ndt : un serpent a
été surpris en train de faire une constriction sur un beagle qui a
été sauvé par l'observateur). La plupart des proies (75 sur
84) sont des espèces non-natives, principalement des rats et des
souris.
Sur les 84 proies, il y avait :
- 39 rats,
- 28 souris,
-1 paramèle,
- 1 chauve-souris,
- 1 chien,
- 1 guépier,
- 1 pie,
- 3 oisillons,
- 1 pigeon,
- 4 perruches,
- 4 poules,
- 7 œufs d'oie,
- 2 lézards.