NDT : il s'agit de la traduction d'un document officiel de la CITES présenté lors de la dernière convention en septembre 2015. Il décrit une situation peu réjouissante. Si rien n'est fait, le python royal va disparaitre du Bénin et du Togo dans quelques années. Et la terrariophilie en est responsable.
Document original :
https://www.cites.org/sites/default/files/eng/com/ac/28/Inf/E-AC28-Inf-04.pdf
CONVENTION SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL D'ESPECES EN DANGER DE LA FAUNE ET DE LA FLORE SAUVAGE (CITES)
Document original :
https://www.cites.org/sites/default/files/eng/com/ac/28/Inf/E-AC28-Inf-04.pdf
CONVENTION SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL D'ESPECES EN DANGER DE LA FAUNE ET DE LA FLORE SAUVAGE (CITES)
___________________
28ème réunion du Comité Animaux
Tel Aviv (Israel), 30 août – 3
septembre 2015
Commerce des serpents et préservation
Une déclaration sur l'impact du
commerce des animaux de compagnie sur cinq cas d'études
CITES-APPENDIX II
Le présent document a été soumis au
Secrétariat à la demande de l'Union Internationale pour la
Préservation de la Nature (IUCN) en relation avec le point 14.1 de
l'agenda, Python Royal – Python Regius
Christian A. S. Toudonou
Laboratoire d'écologie appliquée,
Université d'Abomey-Calavi, 01 Po Box 1812, Cotonou,
Benin. E-mail:
toudonou.christian@gmail.com
Contexte et résumé
Le python royal (python regius) fait
partie des reptiles les plus populaires au monde. Le Bénin, le Ghana
et le Togo fournissent 100 % des spécimens exportés
principalement aux Etats-Unis et en Europe depuis 1976. De ce fait,
le python royal est l'espèce inscrite à la CITES la plus exportée
d'Afrique, avec des centaines de milliers de spécimens concernés
par le commerce international chaque année.
Les specimens sont exportés sous le
contrôle de la CITES avec les codes sources « C », « R »
et « W » pour respectivement 0,5 %, 93,5 % et 6 %.
Note du Traducteur (NDT) :
- le Code C pour Captive correspond
à de l'élevage,
- R pour Ranching, c'est à dire le
prélèvement d'oeufs ou de juvéniles selon la CITES. Pour le python royal, il s'agit de
femelles gravides qui sont prélevées dans la nature, conservées
captives jusqu'à la ponte ; les œufs sont ensuite incubés et
les juvéniles sont alors exportés.
- W pour Wild, correspond à des
animaux prélevés dans la nature.
Source (en anglais) :
https://cites.org/sites/default/files/eng/com/ac/28/E-AC28-12-Annex1.pdf
L'espèce a une large distribution
géographique, un taux de reproduction élevé, et se rencontre dans
une grande variété d'habitats. Cependant, la malgré la possibilité
d'un programme de ranching durable, le commerce illégal semble
toujours exister et même augmenter. Par exemple, au Bénin, des cas
illégaux de liens avec le commerce de la viande de brousse ont été
découverts, conduisant à l'interdiction des programmes de ranching
concernés.
Le commerce concerne les animaux les
plus vulnérables, c'est à dire les nouveaux nés et les femelles
gravides, et les méthodes de prélèvement peuvent endommager les
nids.
La mécanisation de l'agriculture, les
pesticides et le réchauffement climatique, associés avec des
innondations fréquentes des habitats préférés de l'espèce (dus
au réchauffement climatique) sont susceptibles d'aggraver la
situation.
Dans certaines régions comme le Bénin,
le prélèvement est devenu une sérieuse menace pour la survie de
l'espèce. Dans certaines partie du pays, les traditions locales et
les tabous empêchent un prélèvement trop important.
Compte-tenu des éléments ci-dessus,
nous faisons des recommandations pour la préservation de l'espèce à
l'avenir.
Description de l'espèce
Répartition géographique
Le python royal se rencontre en afrique
occidentale et centrale, en dessous du Sahara (voir le schéma
ci-dessous), depuis le Sénégal et la Sierra-Leone jusqu'au sud-est
du Soudan et le nord-ouest de l'Ouganda(De Vosjoli et al. 1995;
Sillman
et al. 1999; Chippaux 1999; 2001 & 2006). On les
rencontre au Bénin, au Cameroun, en République Centre Africaine, au
Congo, dans la République Démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire,
en Gambie, au Ghana, en Guinée, en Guinée Bissau, au Libéria, au
Mali, au Niger, au Nigéria, au Sénégal, en Sierra-leone, au Sud
Soudan, au Togo et en Ouganda.
A l'intérieur de cette région, leur
distribution géographique est très discontinue, et les populations
sont fragmentées. Par exemple, au Bénin, l'espèce ne se rencontre
maintenant plus que dans les aires où les croyances traditionnelles
et religieuses les protègent (Gorzula et al. 1997; Eniang et al.
2006; Toudonou 2007).
NDT : l'IUCN décrit une distribution géographique plus petite. J'ai donc ajouté la carte ci-dessous, qui ne fait pas partie du document original.
NDT : l'IUCN décrit une distribution géographique plus petite. J'ai donc ajouté la carte ci-dessous, qui ne fait pas partie du document original.
Biologie
Le python royal se rencontre dans une
grande variété d'habitats, allant de végétation dense comme :
- les forêts,
- les zones broussailleuses,
- les ilots de forêts tropicales que
l'on trouve dans des zones arides,
- ainsi qu'occasionnellement dans les
zones régulièrement inondées, (Luiselli &
Angelici 1998;
Akanni et al. 2002)
des espaces ouverts comme :
- les savannes en Guinée,
- les prairies,
- les régions boisées,
ainsi que dans les zones habitées.
Les pythons royaux s'adaptent de plus
en plus aux habitats humains comme les terres agricoles, et les
vergers. (Gorzula et al. 1997;
Luiselli & Angelici 1998; Akanni
et al. 2002; Aubret et al. 2005, Broghammer 2004; Toudonou
2007)
Ils sont nocturnes, et ce sont des
animaux à la fois terrestres et arboricoles. En fait, ils se cachent
dans des terriers pendant la journée et utilisent les arbres la
nuit, surtout les mâles (Luiselli & Angelici 1998).
Les pythons royaux atteignent la
maturité sexuelle entre 27 et 31 mois pour les femelles, et 16 à 18
mois pour les mâles. Les couvées au Ghana vont de 6 à 15 œufs,
alors que celles du Bénin et du Togo ne font que de 4 à 8 œufs.
Cycles de reproduction, voir le tableau
ci-dessous.
Similairement à d'autres serpents
corpulents, les pythons royaux sont des prédateurs opportunistes
chassant à l'affût. Ils se nourrissent d'oiseaux et de rongeurs
(Luiselli & Angelici 1998). En moyenne, les pythons royaux vivent
jusqu'à 10 ans dans la nature (Bartlett & Bartlett 1997; Gorzula
et al. 1997; Bartlett et al. 2001)
Statut et menaces
Statut
Le python regius est listé en annexe
II de la CITES et classé « moindre menace » sur la liste
rouge des espèces menacées par l'IUCN (Auliya & Schmitz 2010). Cependant, le statut de l'espèce
différent selon les pays, et semble en déclin au Bénin.
Les fermiers et les trappeurs reportent
tous que l'espèce est fortement menacée au Bénin et l'explique de
façon différente. Pour les fermiers, l'augmentation d'espèces
nuisibles aux récoltes (oiseaux, rongeurs) et ses corollaires sont
associés à une réduction du nombre de pythons (Meirte 1999; Sinsin
et al. 1999; Vodounnon 1999).
Pour les trappeurs, la baisse du taux
de prélèvements (c'est à dire du nombre de serpents collectés
chaque jour) et la nécessité de trouver de nouveaux lieux à
prospecter sont symptomatiques de la raréfaction de l'espèce
(Toudonou 2007).
Par exemple, les trappeurs déclarent que les taux
de prélèvement ont chuté de 5-10 serpents par jour il y a 10 ans à
moins d'un par jour aujourd'hui (Toudonou 2014 non publié).
Selon les acteurs interrogés, dans le passé, les pythons étaient
trouvés dans un périmètre d'un kilomètre autour des villages.
Aujourd'hui, ils parcourent en moyenne 40 km (76 % des personnes
interrogées) pour avoir des chances d'en trouver. En plus, à cause
de la raréfaction de l'espèce, tous les collecteurs ont abandonné
les endroits où ils prélevaient autrefois des serpents.(Toudonou
2007; Toudonou 2014 non publié).
Il semble que l'espèce ait disparu
de certaines régions où on ne trouve plus aucun individu. Au Bénin,
le territoire du python royal a diminué de 20 % et le taux
d'occurence de 60 % (Toudonou 2014 non publié). Selon cette
information, l'espèce doit être considérée comme en danger au
Bénin et rétablie sur l'ensemble de son territoire. Aucun des pays
exportateurs n'a de réglementation concernant cette espèce, seules
des traditions et croyances locales protège l'espèce dans certaines
localités (Gorzula et al.
1997; Eniang et al. 2006; Toudonou 2007).
Menaces
L'expansion de l'agriculture mécanisée,
et utilisation de produits chimiques pour contrôler les nuisibles
sont des menances potentielles pour le python royal. Cependant, la
menace la plus importante au Bénin, est la pression exercée par les
trappeurs. La collecte intervient aux périodes où les serpents sont
les plus vulnérables (œufs, nouveaux-nés et femelles gravides), et
les femelles gravides ne sont pas toujours retournées à la vie
sauvage comme le prévoit les programmes de ranching mais sont
consommés comme de la viande de brousse.
La situation est
très différente de ce que disent les rapports officiels, car en
réalité, de nombreux spécimens sont prélevés dans la nature et
revendus comme provenant de programmes de ranching.
Des investigations préliminaires
effectuées dans le sud du Bénin ont mis en évidence ces pratiques
(Toudonou et al. 2014b in prep.). Lors de ces investigations, les
collecteurs ont déclarés que 90 % de leurs revenus annuels
proviennent d'intermédiaires en contact avec les exportateurs.
Et il est montré que le nombre de
carcasses de pythons royaux augmentent fortement lors des périodes
de reproduction dans la nature ainsi qu'avec l'activité saisonnière
d'exportation sur les marchés proches des exportateurs (i.e. Badagry
(Nigeria) et Ifangni (Benin) – deux localités frontalières).
Et pour terminer, les techniques de
capture des pythons détruisent ou endommagent les sites
d'oviposition des femelles (Goode et al. 2005; Toudonou 2007;
Toudonou 2012).
Caractéristiques du commerce
Source du marché des animaux de
compagnie
Selon les données concernant
l'exportation (2000-2013; CITES Trade Database) les principaux pays
exportateurs sont le Bénin (39.1%), le Togo (34.6%) et le Ghana
(26.7%).
Ces mêmes données montrent que seuls
0,5 % de ces animaux proviennent d'élevage et que 93,5 %
proviennent des programmes de ranching et 6 % d'animaux prélevés
dans la nature.
Cependant, ces chiffres officiels ne
représent pas la situation réelle. Par exemple le Ghana a fait de
réels progrès concernant les programmes de ranching et il y a peu
de doutes sur leur capacité à exporter (Gorzula et al.
1997).
La situtation n'est pas comparable au
Bénin (Toudonou 2003; Toudonou et al.
2004b; Toudonou 2007) ou au Togo où
les programmes de ranching sont plus douteux (Ineich 2004, 2006;
Toudonou observations personnelles).
De plus, les exportations depuis le
Bénin et le Togo peuvent être composées exclusivement d'animaux
prélevés dans la nature et d'animaux issus de ranching. Il y a des
écarts importants entre les chiffres fournis par les importateurs et
ceux des exportateurs, dus à des fraudes et à des déclarations
inexactes. Et ces écarts concernent à la fois le nombre d'animaux
exportés et leur classification. La source (élevage, ranching ou
prélèvements dans la nature) est manipulée par les exportateurs
pour correspondre aux permis CITES.
Commerce et prix du marché
La valeur des pythons a constamment
baissé ces dernières années. De nos jours, les prix sont divisés
par 7 par rapport à 1975 (3 dollars US en 2013). Il est important de
souligner que les prix ont chuté beaucoup plus vite que le nombre de
serpents exportés. Cela indique une saturation du marché et un
développement de l'élevage dans les pays importateurs.
Cependant la
découverte récente de nouvelles variétés, spécimens albinos ou
autres mutations génétiques, ont renouvelé l'intérêt dans
l'importation de pythons royaux provenant d'Afrique. Les prix pour
certains spécimens rares peuvent aller jusqu'à 13.000 dollars US
(Auliya &
Schmitz 2010).
Conclusions
Le python royal est un serpent capable
de s'adapter à des habitats différents. On le trouve encore dans
son habitat d'origine mais son statut de conservation varie selon les
pays, le Bénin connaissant un déclin des populations dû à un
intense prélèvement pour le marché des animaux de compagnie et à
la demande de viande de brousse.
En fait, la zone de répartition et la densité de la population ont baissé au Bénin.
Les périodes de prélèvement ciblent
les serpents aux moments où ils sont le plus vulnérables (femelles
gravides et nouveaux-nés) et les techniques de chasse affectent les
habitats de nidification.
En plus, la mécanisation de l'agriculture
et l'utilisation de produits chimiques ainsi que le changement
climatique (réchauffement, innondations) pourraient aggraver la
situation dans le futur. Au Bénin, où les préoccupations sont les
plus importantes, l'espèce doit être considérée comme en danger,
et de nouvelles données concernant les populations sont nécessaires.
Heureusement, les traditions locales et les tabous liés au culte du
python royal sont très efficaces pour contrôler les prélèvements
et réduire pratiquement à zéro la chasse dans les zones sacrées.
Recommandations
Les
actions suivantes peuvent être menées au Bénin pour renverser la
tendance et améliorer le statut de conservation de l'espèce :
- développer des programmes d'élevage
en particulier au Bénin et au Togo pour réduire la pression sur les
populations sauvages. A cet effet, les intervenants de ce commerce
(exportateurs, collecteurs, intermédiaires et vendeurs de viande de
serpents) devraient être formés aux techniques d'élevage.
- promouvoir l'éco-tourisme avec
l'assistance des trappeurs et autres éleveurs, et des communautés
religieuses (comme le “Temple de python” à Ouidah – Benin). En
plus, les traditions et tabous en faveur de la conservation de
l'espèce doivent être encouragés en les aidant à améliorer la
gestion de leurs forêts sacrées et en organisant des campagnes de
sensibilisation.
-renforcer les services de contrôles
et de régulation du commerce et contrôler strictement les
programmes de ranching.
- concevoir et développer des
programmes de conservation du python royal dans les régions
concernées, principalement dans les régions où le déclin est
important.
- des études annuelles non invasives
devraient être menées sur les sites de collecte. Le contrôle du
nombre de femelles gravides doit aussi être amélioré pour mieux
mesurer l'impact des collectes.
Remerciements : L. Luiselli, F.
Aubret, S. Gorzula, J. A. Rivas, L. Chirio, W. O. Nsiah, W.Oduro, H. Avohou, D. Natusch and T.
Waller pour de nombreux échanges d'information et leur collaboration
pour l'étude de l'espèce. Ma gratitude va aussi au BPSG qui m'a
donné cette opportunité.