mardi 5 avril 2016

Le python royal en voie d'extinction au Bénin


NDT : il s'agit de la traduction d'un document officiel de la CITES présenté lors de la dernière convention en septembre 2015. Il décrit une situation peu réjouissante. Si rien n'est fait, le python royal va disparaitre du Bénin et du Togo dans quelques années. Et la terrariophilie en est responsable. 

Document original :
https://www.cites.org/sites/default/files/eng/com/ac/28/Inf/E-AC28-Inf-04.pdf


CONVENTION SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL D'ESPECES EN DANGER DE LA FAUNE ET DE LA FLORE SAUVAGE (CITES)

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28ème réunion du Comité Animaux

Tel Aviv (Israel), 30 août – 3 septembre 2015



Commerce des serpents et préservation

Une déclaration sur l'impact du commerce des animaux de compagnie sur cinq cas d'études CITES-APPENDIX II

Le présent document a été soumis au Secrétariat à la demande de l'Union Internationale pour la Préservation de la Nature (IUCN) en relation avec le point 14.1 de l'agenda, Python Royal – Python Regius



Christian A. S. Toudonou

Laboratoire d'écologie appliquée, Université d'Abomey-Calavi, 01 Po Box 1812, Cotonou,




Contexte et résumé

Le python royal (python regius) fait partie des reptiles les plus populaires au monde. Le Bénin, le Ghana et le Togo fournissent 100 % des spécimens exportés principalement aux Etats-Unis et en Europe depuis 1976. De ce fait, le python royal est l'espèce inscrite à la CITES la plus exportée d'Afrique, avec des centaines de milliers de spécimens concernés par le commerce international chaque année.

Les specimens sont exportés sous le contrôle de la CITES avec les codes sources « C », « R » et « W » pour respectivement 0,5 %, 93,5 % et 6 %.

Note du Traducteur (NDT) :

- le Code C pour Captive correspond à de l'élevage,

- R pour Ranching, c'est à dire le prélèvement d'oeufs ou de juvéniles selon la CITES. Pour le python royal, il s'agit de femelles gravides qui sont prélevées dans la nature, conservées captives jusqu'à la ponte ; les œufs sont ensuite incubés et les juvéniles sont alors exportés.

- W pour Wild, correspond à des animaux prélevés dans la nature.




L'espèce a une large distribution géographique, un taux de reproduction élevé, et se rencontre dans une grande variété d'habitats. Cependant, la malgré la possibilité d'un programme de ranching durable, le commerce illégal semble toujours exister et même augmenter. Par exemple, au Bénin, des cas illégaux de liens avec le commerce de la viande de brousse ont été découverts, conduisant à l'interdiction des programmes de ranching concernés.

Le commerce concerne les animaux les plus vulnérables, c'est à dire les nouveaux nés et les femelles gravides, et les méthodes de prélèvement peuvent endommager les nids.


La mécanisation de l'agriculture, les pesticides et le réchauffement climatique, associés avec des innondations fréquentes des habitats préférés de l'espèce (dus au réchauffement climatique) sont susceptibles d'aggraver la situation.

Dans certaines régions comme le Bénin, le prélèvement est devenu une sérieuse menace pour la survie de l'espèce. Dans certaines partie du pays, les traditions locales et les tabous empêchent un prélèvement trop important.

Compte-tenu des éléments ci-dessus, nous faisons des recommandations pour la préservation de l'espèce à l'avenir.





Description de l'espèce



Répartition géographique



Le python royal se rencontre en afrique occidentale et centrale, en dessous du Sahara (voir le schéma ci-dessous), depuis le Sénégal et la Sierra-Leone jusqu'au sud-est du Soudan et le nord-ouest de l'Ouganda(De Vosjoli et al. 1995; Sillman et al. 1999; Chippaux 1999; 2001 & 2006). On les rencontre au Bénin, au Cameroun, en République Centre Africaine, au Congo, dans la République Démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire, en Gambie, au Ghana, en Guinée, en Guinée Bissau, au Libéria, au Mali, au Niger, au Nigéria, au Sénégal, en Sierra-leone, au Sud Soudan, au Togo et en Ouganda.

A l'intérieur de cette région, leur distribution géographique est très discontinue, et les populations sont fragmentées. Par exemple, au Bénin, l'espèce ne se rencontre maintenant plus que dans les aires où les croyances traditionnelles et religieuses les protègent (Gorzula et al. 1997; Eniang et al. 2006; Toudonou 2007). 
NDT : l'IUCN décrit une distribution géographique plus petite. J'ai donc ajouté la carte ci-dessous, qui ne fait pas partie du document original.






Biologie



Le python royal se rencontre dans une grande variété d'habitats, allant de végétation dense comme :

- les forêts,

- les zones broussailleuses,

- les ilots de forêts tropicales que l'on trouve dans des zones arides,

- ainsi qu'occasionnellement dans les zones régulièrement inondées, (Luiselli & Angelici 1998; Akanni et al. 2002)

des espaces ouverts comme :

- les savannes en Guinée,

- les prairies,

- les régions boisées,

ainsi que dans les zones habitées. 


Les pythons royaux s'adaptent de plus en plus aux habitats humains comme les terres agricoles, et les vergers. (Gorzula et al. 1997; Luiselli & Angelici 1998; Akanni et al. 2002; Aubret et al. 2005, Broghammer 2004; Toudonou 2007)

Ils sont nocturnes, et ce sont des animaux à la fois terrestres et arboricoles. En fait, ils se cachent dans des terriers pendant la journée et utilisent les arbres la nuit, surtout les mâles (Luiselli & Angelici 1998). 


Les pythons royaux atteignent la maturité sexuelle entre 27 et 31 mois pour les femelles, et 16 à 18 mois pour les mâles. Les couvées au Ghana vont de 6 à 15 œufs, alors que celles du Bénin et du Togo ne font que de 4 à 8 œufs.

Cycles de reproduction, voir le tableau ci-dessous.



Similairement à d'autres serpents corpulents, les pythons royaux sont des prédateurs opportunistes chassant à l'affût. Ils se nourrissent d'oiseaux et de rongeurs (Luiselli & Angelici 1998). En moyenne, les pythons royaux vivent jusqu'à 10 ans dans la nature (Bartlett & Bartlett 1997; Gorzula et al. 1997; Bartlett et al. 2001)



Statut et menaces



Statut



Le python regius est listé en annexe II de la CITES et classé « moindre menace » sur la liste rouge des espèces menacées par l'IUCN (Auliya & Schmitz 2010). Cependant, le statut de l'espèce différent selon les pays, et semble en déclin au Bénin.


Les fermiers et les trappeurs reportent tous que l'espèce est fortement menacée au Bénin et l'explique de façon différente. Pour les fermiers, l'augmentation d'espèces nuisibles aux récoltes (oiseaux, rongeurs) et ses corollaires sont associés à une réduction du nombre de pythons (Meirte 1999; Sinsin et al. 1999; Vodounnon 1999). 

Pour les trappeurs, la baisse du taux de prélèvements (c'est à dire du nombre de serpents collectés chaque jour) et la nécessité de trouver de nouveaux lieux à prospecter sont symptomatiques de la raréfaction de l'espèce (Toudonou 2007).

Par exemple, les trappeurs déclarent que les taux de prélèvement ont chuté de 5-10 serpents par jour il y a 10 ans à moins d'un par jour aujourd'hui (Toudonou 2014 non publié). Selon les acteurs interrogés, dans le passé, les pythons étaient trouvés dans un périmètre d'un kilomètre autour des villages. Aujourd'hui, ils parcourent en moyenne 40 km (76 % des personnes interrogées) pour avoir des chances d'en trouver. En plus, à cause de la raréfaction de l'espèce, tous les collecteurs ont abandonné les endroits où ils prélevaient autrefois des serpents.(Toudonou 2007; Toudonou 2014 non publié). 

Il semble que l'espèce ait disparu de certaines régions où on ne trouve plus aucun individu. Au Bénin, le territoire du python royal a diminué de 20 % et le taux d'occurence de 60 % (Toudonou 2014 non publié). Selon cette information, l'espèce doit être considérée comme en danger au Bénin et rétablie sur l'ensemble de son territoire. Aucun des pays exportateurs n'a de réglementation concernant cette espèce, seules des traditions et croyances locales protège l'espèce dans certaines localités (Gorzula et al. 1997; Eniang et al. 2006; Toudonou 2007).



Menaces



L'expansion de l'agriculture mécanisée, et utilisation de produits chimiques pour contrôler les nuisibles sont des menances potentielles pour le python royal. Cependant, la menace la plus importante au Bénin, est la pression exercée par les trappeurs. La collecte intervient aux périodes où les serpents sont les plus vulnérables (œufs, nouveaux-nés et femelles gravides), et les femelles gravides ne sont pas toujours retournées à la vie sauvage comme le prévoit les programmes de ranching mais sont consommés comme de la viande de brousse. 

La situation est très différente de ce que disent les rapports officiels, car en réalité, de nombreux spécimens sont prélevés dans la nature et revendus comme provenant de programmes de ranching.

Des investigations préliminaires effectuées dans le sud du Bénin ont mis en évidence ces pratiques (Toudonou et al. 2014b in prep.). Lors de ces investigations, les collecteurs ont déclarés que 90 % de leurs revenus annuels proviennent d'intermédiaires en contact avec les exportateurs.


Et il est montré que le nombre de carcasses de pythons royaux augmentent fortement lors des périodes de reproduction dans la nature ainsi qu'avec l'activité saisonnière d'exportation sur les marchés proches des exportateurs (i.e. Badagry (Nigeria) et Ifangni (Benin) – deux localités frontalières).


Et pour terminer, les techniques de capture des pythons détruisent ou endommagent les sites d'oviposition des femelles (Goode et al. 2005; Toudonou 2007; Toudonou 2012).





Caractéristiques du commerce



Source du marché des animaux de compagnie


Selon les données concernant l'exportation (2000-2013; CITES Trade Database) les principaux pays exportateurs sont le Bénin (39.1%), le Togo (34.6%) et le Ghana (26.7%). 


Ces mêmes données montrent que seuls 0,5 % de ces animaux proviennent d'élevage et que 93,5 % proviennent des programmes de ranching et 6 % d'animaux prélevés dans la nature.

Cependant, ces chiffres officiels ne représent pas la situation réelle. Par exemple le Ghana a fait de réels progrès concernant les programmes de ranching et il y a peu de doutes sur leur capacité à exporter (Gorzula et al. 1997).


La situtation n'est pas comparable au Bénin (Toudonou 2003; Toudonou et al.

2004b; Toudonou 2007) ou au Togo où les programmes de ranching sont plus douteux (Ineich 2004, 2006; Toudonou observations personnelles).

De plus, les exportations depuis le Bénin et le Togo peuvent être composées exclusivement d'animaux prélevés dans la nature et d'animaux issus de ranching. Il y a des écarts importants entre les chiffres fournis par les importateurs et ceux des exportateurs, dus à des fraudes et à des déclarations inexactes. Et ces écarts concernent à la fois le nombre d'animaux exportés et leur classification. La source (élevage, ranching ou prélèvements dans la nature) est manipulée par les exportateurs pour correspondre aux permis CITES.



Commerce et prix du marché


La valeur des pythons a constamment baissé ces dernières années. De nos jours, les prix sont divisés par 7 par rapport à 1975 (3 dollars US en 2013). Il est important de souligner que les prix ont chuté beaucoup plus vite que le nombre de serpents exportés. Cela indique une saturation du marché et un développement de l'élevage dans les pays importateurs. 

Cependant la découverte récente de nouvelles variétés, spécimens albinos ou autres mutations génétiques, ont renouvelé l'intérêt dans l'importation de pythons royaux provenant d'Afrique. Les prix pour certains spécimens rares peuvent aller jusqu'à 13.000 dollars US (Auliya & Schmitz 2010).



Conclusions


Le python royal est un serpent capable de s'adapter à des habitats différents. On le trouve encore dans son habitat d'origine mais son statut de conservation varie selon les pays, le Bénin connaissant un déclin des populations dû à un intense prélèvement pour le marché des animaux de compagnie et à la demande de viande de brousse.


En fait, la zone de répartition et la densité de la population ont baissé au Bénin.

Les périodes de prélèvement ciblent les serpents aux moments où ils sont le plus vulnérables (femelles gravides et nouveaux-nés) et les techniques de chasse affectent les habitats de nidification. 

En plus, la mécanisation de l'agriculture et l'utilisation de produits chimiques ainsi que le changement climatique (réchauffement, innondations) pourraient aggraver la situation dans le futur. Au Bénin, où les préoccupations sont les plus importantes, l'espèce doit être considérée comme en danger, et de nouvelles données concernant les populations sont nécessaires. Heureusement, les traditions locales et les tabous liés au culte du python royal sont très efficaces pour contrôler les prélèvements et réduire pratiquement à zéro la chasse dans les zones sacrées.



Recommandations


Les actions suivantes peuvent être menées au Bénin pour renverser la tendance et améliorer le statut de conservation de l'espèce :

- développer des programmes d'élevage en particulier au Bénin et au Togo pour réduire la pression sur les populations sauvages. A cet effet, les intervenants de ce commerce (exportateurs, collecteurs, intermédiaires et vendeurs de viande de serpents) devraient être formés aux techniques d'élevage.

- promouvoir l'éco-tourisme avec l'assistance des trappeurs et autres éleveurs, et des communautés religieuses (comme le “Temple de python” à Ouidah – Benin). En plus, les traditions et tabous en faveur de la conservation de l'espèce doivent être encouragés en les aidant à améliorer la gestion de leurs forêts sacrées et en organisant des campagnes de sensibilisation.

-renforcer les services de contrôles et de régulation du commerce et contrôler strictement les programmes de ranching.

- concevoir et développer des programmes de conservation du python royal dans les régions concernées, principalement dans les régions où le déclin est important.

- des études annuelles non invasives devraient être menées sur les sites de collecte. Le contrôle du nombre de femelles gravides doit aussi être amélioré pour mieux mesurer l'impact des collectes.



Remerciements : L. Luiselli, F. Aubret, S. Gorzula, J. A. Rivas, L. Chirio, W. O. Nsiah, W.Oduro, H. Avohou, D. Natusch and T. Waller pour de nombreux échanges d'information et leur collaboration pour l'étude de l'espèce. Ma gratitude va aussi au BPSG qui m'a donné cette opportunité.


1 commentaire:

  1. Effectivement les pythons royaux sont en voie de disparition. Ensemble faisons l'effort pour les conserver. mMERCI

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